Jour 5 : L’autre Nicaragua

Journée sportive au stade de base-ball de Puerto Carvaza

Journée sportive au stade de base-ball de Puerto Carvaza

Les pêcheurs de homards de Puerto Carvaza ne sortent pas leurs bateaux pour plonger des pièges dans l’océan. Au lieu de ça, ils se rendent en groupes au large de la côte et plongent pour attraper des homards à la main. C’est peut-être moins efficace que ce que l’on fait dans l’Atlantique canadien, mais ça donne du travail à environ 5 000 personnes dans cette ville de 68 000 habitants.

Le problème est qu’il y a trop de plongeurs et que la récolte en eaux peu profondes est de moins en moins bonne, et les plongeurs doivent aller de plus en plus profond. On nous a dit que 1 400 plongeurs avaient souffert du mal de décompression. Certains d’entre eux ont même perdu la vie.

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Lors de notre rencontre avec les représentants du gouvernement régional, on nous a dit qu’on envisageait de modifier la pêche aux homards, mais le problème est que l’installation de pièges emploierait moins de pêcheurs dans cette région qui souffre déjà d’un taux de chômage élevé. Comme tous les problèmes nicaraguayens, c’en est un qu’il faudra bien songer à résoudre un jour ou l’autre. Une nouvelle forme d’emploi sera nécessaire pour ceux qui seront déplacés par la nature changeante de l’industrie de la pêche.

Puerto Carvaza se trouve à l’extrémité nord de la côte atlantique du Nicaragua. Avec les différentes puissances coloniales venues dans cette région, les résidents parlent espagnol et créole anglais, en plus du miskito. La présence de ces colonies a également largement influencé les habitations, qui marient les styles antillais et espagnol, mis à part bien sûr les habitations faites de quatre murs composés de déchets de bois et recouverts d’une feuille d’aluminium. Pour se protéger contre les inondations causées par les ouragans qui balaient les Caraïbes, de nombreuses maisons sont construites sur pilotis ici.

Comme dans les autres villes que nous avons visitées, les résidents brûlent leurs déchets dans les rues et celles-ci sont souvent remplies de fumée… et à chaque coin de rue, des chiens se tiennent aux aguets ou dorment « à poings fermés ». Le soir, tandis que la température se rafraîchit, ils se mettent à aboyer et à se montrer les dents les uns aux autres.

La délégation d'Horizons d'amitié traverse des quartiers enfumés

La délégation d’Horizons d’amitié traverse des quartiers enfumés

À notre arrivée, nous avons vu toute une foule de gens passer devant l’hôtel pour se rendre au stade de base-ball proche, où l’équipe côtière locale jouait contre les visiteurs de Managua. À l’extérieur du stade, des centaines de personnes, pour la plupart des hommes, qui ne pouvaient pas se permettre le prix de l’entrée, regardaient le match au travers des mailles de la clôture ou de trous dans le mur du stade.

Pendant que nous mangions avec le personnel de notre organisme d’accueil, on pouvait entendre les cris de joie de la foule applaudissant l’équipe locale qui prenait la tête. AMICA est un groupe de femmes indigènes aux grandes ambitions et sincèrement engagées à améliorer les choses dans les communautés de la région.

Une bonne partie de la mission de cet organisme consiste à changer les valeurs en ce qui concerne la violence envers les femmes, y compris la question du viol. Le viol est un gros problème ici. Une femme nous a raconté qu’elle s’était réfugiée dans un établissement associé à l’organisme AMICA après que son mari ait tenté d’agresser sexuellement ses deux filles aînées.

Le gouvernement nicaraguayen a adopté une loi ambitieuse l’année dernière pour protéger le droit des femmes de vivre sans violence, y compris sans violence sexuelle. Le problème est que l’application d’une telle loi ne fait pas partie des priorités dans un pays qui a tant d’autres problèmes.

Réunion avec des représentants du gouvernement à la Chambre des communes

Réunion avec des représentants du gouvernement à la Chambre des communes

AMICA a ouvert ses portes aux lendemains de la guerre des Contras. C’est après tout un pays de Contras. Ici, les gens s’estiment très différents de leurs homologues de la côte Pacifique du pays. La plupart sont Meskites, même si d’autres peuples indigènes vivent également dans la région. À Puerto Carvaza vivent également de nombreux Nicaraguayens d’origine africaine.

Créé à l’origine pour rapatrier ceux qui avaient fui vers le nord, au Honduras, au cours des combats, AMICA se considère comme un organisme de reconstruction sociale; il essaie d’éduquer la communauté sur les questions entourant la santé sexuelle et reproductive, prônant le développement durable et offrant des services juridiques et de soutien aux femmes et aux enfants victimes de violence.

Pour être efficace, AMICA a développé un réseau d’alliances pour se faire entendre et mobiliser du soutien pour son travail.

L’organisme Horizons d’amitié, basé à Cobourg, en Ontario, collabore avec AMICA depuis quatre ans, contribuant des fonds dans une variété de projets, la plupart liés à la violence communautaire. AMICA envoie des travailleurs dans la communauté pour éduquer hommes et femmes sur les implications de la loi 779.

Les enfants participent à une « présentation culturelle » au AMICA

Les enfants participent à une « présentation culturelle » au AMICA

De plus en plus de femmes en situation de crise s’adressent à AMICA pour obtenir de l’aide. Tandis que cette nouvelle loi représente un progrès considérable, elle comporte aussi des risques, car les hommes de la région en craignent les implications. Il reste encore beaucoup à faire pour préparer la société civile nicaraguayenne à accepter cette nouvelle législation.

Comme les organismes communautaires chez nous, AMICA se demande toujours d’où la prochaine ronde de fonds va venir. De nombreux organismes de développement internationaux se sont entièrement retirés de la région. C’est pourquoi il est si important qu’Horizons d’amitié y reste.

Au milieu de l’après-midi, nous avons rencontré plusieurs conseillers techniques du gouvernement à la Chambre des communes pour parler des problèmes dans cette région. Ils n’ont pas peur de formuler leurs plaintes à propos du gouvernement de Managua. Tandis que la région compte environ 10 % de la population du Nicaragua, elle ne reçoit qu’un pour cent du budget du gouvernement. Selon eux, c’est un signe de discrimination contre les habitants de la région.

Ils ont convenu du fait que la loi 779 a besoin d’une infrastructure judiciaire, même si pour le moment, c’est AMICA qui veille à ce que les femmes fassent valoir leurs droits pour que la loi soit appliquée.

Ils savent que l’économie locale doit changer, malgré la grande distance qui les sépare de tout centre de population majeur. Les routes, sur la côte du Pacifique, sont en mauvais état, et on peut s’attendre à rouler toute une journée pour s’y rendre. Ça complique largement le transport de marchandises vers et hors de la région.

Demain : Nous poursuivons notre visite à Puerto Carvaza.

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