Nous vivons à une époque où il est dangereux de travailler dans le secteur des soins de santé.
Les travailleurs de la santé risquent chaque jour de se faire poignarder, étrangler, frapper, mordre ou cracher dessus, ou encore de subir des abus verbaux.
Selon des renseignements obtenus par le Toronto Star, le nombre de rapports de violence faite au personnel des hôpitaux du Réseau universitaire de santé (qui comprend le Toronto Western, l’Hôpital général de Toronto, l’Institut de réadaptation de Toronto et l’Hôpital Princess Margaret) a presque doublé entre 2012 et 2014.
Les administrateurs d’hôpitaux attribuent cette augmentation aux changements apportés aux normes de rapport concernant les incidents – des normes que les syndicats représentant les travailleurs de la santé se sont battus pour améliorer. Mais les défenseurs des travailleurs disent que les compressions continuelles au niveau de notre système de soins de santé et les coupures dans l’effectif des hôpitaux y contribuent aussi. Lorsque l’effectif est réduit, le personnel restant est plus vulnérable aux agressions parce qu’il arrive à certains de devoir travailler seuls et de devoir s’occuper d’un plus grand nombre de patients.
Neuf années consécutives de coupures au financement alloué aux hôpitaux par le gouvernement libéral de l’Ontario n’ont fait qu’ajouter à la situation déjà précaire des travailleurs de la santé.
En avril dernier, un article paru dans le New England Journal of Medicine attirait l’attention sur le problème de la violence faite aux travailleurs de la santé aux États-Unis. On y lisait que les incidents de violence étaient sous-déclarés et largement ignorés. Les auteurs ont passé en revue les études précédentes sur la violence au travail et ont découvert que, selon une étude en particulier, 46 pour cent des infirmières interrogées avaient fait état de violence au travail au cours de leurs cinq derniers quarts – presque la moitié d’entre elles! On ne tolérerait certes pas cette situation dans n’importe quelle autre profession!
Tous les travailleurs de la santé risquent de tomber victime de violence au travail, mais en raison du caractère imprévisible de leurs patients, les travailleurs en santé mentale courent encore plus de risques.
Une étude récente de l’Université de Melbourne avait conclu que la carrière d’infirmière en santé mentale était la profession la plus dangereuse qui soit dans l’état australien de Victoria. L’étude révélait qu’une infirmière en santé mentale risquait davantage d’être agressée qu’un agent de police.
On n’a pas besoin de chercher trop pour établir des parallèles avec notre propre situation, ici en Ontario.
Les exemples sont trop nombreux pour en dresser la liste, mais en voici quelques-uns :
En décembre 2014, une infirmière du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), à Toronto, avait été violemment battue et avait subi des blessures graves à la tête. Un incident semblable avait eu lieu un an auparavant dans ce même hôpital.
Le Groupe consultatif des Services de Santé Royal Ottawa est accusé de cinq infractions à la Loi sur la santé et la sécurité au travail après qu’une infirmière se soit faite poignarder, en octobre 2014, dans son Centre de santé mentale de Brockville. L’infirmière avait reçu plusieurs coups de stylo dans la gorge d’une patiente de l’unité de psychiatrie légale. Les travailleurs de la santé dans cette unité prodiguent des soins aux patients déclarés inaptes à subir leur procès ou criminellement non responsables par les tribunaux, ou aux patients soumis à un examen psychiatrique ordonné par les tribunaux.
Et juste plus tôt cette année, un grave incident de violence a eu lieu dans l’unité médico-légale du Centre de soins de santé mentale Waypoint. Un travailleur avait été poignardé dans le dos par un patient qui s’était procuré un tournevis dans le cadre d’un programme de formation pratique à l’hôpital. Trois autres travailleurs avaient également été blessés dans la même attaque. Le lendemain, une autre attaque avait fait trois autres blessés dans le personnel. Et juste un mois plus tard, trois autres travailleurs étaient blessés dans un autre incident de violence.
Les travailleurs du Centre Waypoint voient bien ce qui se passe. Et bon nombre d’entre eux ont peur.
« Ils ont besoin d’un lieu de travail sûr, et l’employeur ne le leur donne pas », a déclaré le président du SEFPO, Warren (Smokey) Thomas. « Nous demandons au gouvernement d’intervenir maintenant afin de prévenir de nouvelles attaques, avant qu’une tragédie n’ait lieu. Ayant moi-même travaillé dans le secteur des soins de santé mentale, je suis profondément engagé envers cette cause.
La section locale du SEFPO qui représente ce groupe de travailleurs a lancé une campagne afin de sensibiliser les gens sur les problèmes de sécurité au Centre Waypoint.
Leurs inquiétudes peuvent être résumées en une phrase que l’on entend jour après jour dans les couloirs de l’unité médico-légale. « Rester en sécurité, être en sécurité ». C’est ce que les prestataires de soins à Waypoint s’encouragent à faire au début de chaque quart. Ces quelques mots servent de rappel à chacun de faire preuve de vigilance. Le personnel doit être sur ses gardes en tout temps; il doit constamment surveiller ses alentours, et ce, tout en fournissant des soins à des patients qui ont commis de graves crimes.
« Au Centre Waypoint, nous nous trouvons chaque jour face à des patients imprévisibles », a déclaré le président de la section locale 329 du SEFPO, Pete Sheehan. « Le personnel se fait agresser, insulter ou menacer de violence chaque jour. À la longue, c’est fatigant. Et ça a un impact sur notre vie personnelle. Certains développent des toxicomanies ou des troubles mentaux à cause des choses qu’ils vivent au travail. »
Les travailleurs du Centre Waypoint disent qu’ils savent que leur emploi est fondamentalement dangereux. Mais il y a des choses que l’employeur pourrait faire pour ajouter à leur sécurité, et il ne les fait pas. Grâce à notre campagne, les travailleurs du Centre Waypoint espèrent obtenir ce qui suit :
- l’engagement de l’employeur à réparer les problèmes structurels dans ce bâtiment construit en vertu d’un partenariat public-privé, qui, selon les travailleurs, contribuent aux incidents de violence au travail;
- l’embauche par l’employeur de gardiens de sécurité professionnels prêts à intervenir de façon préventive et à agir dans les situations de violence au travail;
- l’installation de portiques de détection des objets métalliques; et
- des effectifs conformes à la sécurité, pour éviter les situations où un employé se trouve à travailler seul.
Du personnel de sécurité spécialisé aiderait également à réduire la violence dans les hôpitaux ordinaires. L’Hôpital Michael Garron, anciennement appelé Hôpital général Toronto Est, par exemple, recourt actuellement à du personnel de sécurité. Lorsqu’on a demandé à une membre du personnel qui parcoure une longue distance pour se rendre au travail pourquoi elle continue de travailler dans cet hôpital, elle a répondu que c’était parce qu’elle s’y sent en sécurité.
Il ne fait aucun doute que le gouvernement doit en faire plus pour protéger les travailleurs de la santé contre la violence au travail. On pourrait commencer par établir des protocoles de sécurité obligatoires, par exemple. Après tout, on parle ici des personnes qui sont là pour nous quand nous tombons malades. Si nous ne prenons pas soin d’elles, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu’elles prennent soin de nous?
Pour plus d’information sur notre campagne, visitez https://sefpo.org/rester-en-securite-etre-en-securite.