John Abraham, du Royaume-Uni, aux côtés de Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton.
10 choses que nous avons tirées de la conférence sur l’assurance-médicaments organisée par la Coalition canadienne de la santé et l’Université Carleton la semaine dernière à Ottawa :
1. Steven Morgan, de l’Université de la Colombie-Britannique, a fait remarquer que si le Canada adoptait le régime d’assurance-médicaments du Royaume-Uni sans y apporter de changements, « il y aurait assez pour couvrir l’assurance-médicaments universelle au Canada aux taux courants. Nous n’aurions pas à augmenter les impôts ». Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton, affirme que le Canada pourrait économiser 10,7 milliards de dollars sur les coûts des médicaments avec un régime d’assurance-médicaments universel. La question n’est pas de savoir si nous pouvons nous permettre un régime d’assurance-médicaments universel, mais plutôt de savoir comment nous pouvons nous en passer.
2. Nous avons à maintes reprises répété que le Canada et les États-Unis étaient des cas isolés lorsqu’il s’agit de régime d’assurance-médicaments universel. Ce n’est pas nouveau. Le panel international a fait remarquer que de nombreux pays ont adopté l’accès universel aux médicaments d’ordonnance peu après la Seconde Guerre mondiale. La France a adopté son système d’assurance sociale en 1945 et la Grande-Bretagne arrivait quelques années plus tard, en 1948, avec son système national de santé (NHS), y ajoutant rapidement les médicaments d’ordonnance, en 1952. Plus récemment, l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord ont aboli tous les frais d’ordonnance; quant à l’Angleterre, elle a un co-paiement d’environ 5 % du coût des médicaments dans son programme d’assurance-médicaments.
3. Les médicaments en Nouvelle-Zélande sont parmi les moins chers au monde. La Nouvelle-Zélande impose un maximum sur les dépenses totales liées aux médicaments et oblige les sociétés pharmaceutiques à entrer en concurrence pour obtenir leur part de ce gâteau. L’inconvénient, c’est que cela tend à ralentir l’approbation des nouveaux médicaments dispendieux; par contre, le système assure efficacement l’accès universel aux médicaments nécessaires. Le système prévoit un co-paiement d’environ 5 $ par ordonnance. Le co-paiement est supprimé après 20 ordonnances dans l’année. Il n’existe quasiment aucun régime d’assurance-médicaments privé en Nouvelle-Zélande. Selon Matthieu Brougham, ancien PDG de PHARMAC, la Nouvelle-Zélande est parvenue à limiter l’augmentation des prix des médicaments au cours de la dernière décennie à 3 % par année, comparativement à 9 à 10 pour cent ailleurs dans le monde. Tandis que les politiciens canadiens prétendent ne pas avoir les moyens d’introduire un régime d’assurance-médicaments universel, la Nouvelle-Zélande a adopté un tel système précisément parce que le pays se trouvait dans une situation économique désastreuse.
4. Le fait que nous n’ayons pas de régime d’assurance-médicaments universel au Canada n’a rien à voir avec une faute de preuves ou d’avoir essayé. Le Dr Joel Lexchin de l’Université York a fait remarquer dans son discours d’ouverture que la Commission Hall l’avait recommandé en 1964, le Forum national sur la santé l’avait recommandé en 1997, et que c’est aujourd’hui la politique des libéraux et des néo-démocrates au fédéral. Lexchin dit que la politique pharmaceutique au Canada ressemble à celle des États-Unis – certains ont une couverture privée, certains sont couverts par le régime public et beaucoup d’autres n’ont rien. « Ce ne sont pas que des beaux discours », a-t-il ajouté, faisant remarquer que la Saskatchewan a déjà eu sa propre couverture universelle.
5. Il est remarquable de constater que la Grande-Bretagne avait un formulaire ouvert pour les médicaments d’ordonnance pendant les 20 premières années de l’existence de son système national de santé (NHS). Le lancement de Viagra a forcé la Grande-Bretagne à repenser les limites de son formulaire public. À un moment donné, le NHS payait pour 20 000 pilules de Viagra par jour! La Grande-Bretagne essaie désormais d’établir un système où le prix des médicaments payé aux compagnies privées dépend de leur valeur thérapeutique. La France a un régime où les médicaments sont remboursés au particulier d’une façon similaire. En France, les médicaments qui ont une valeur thérapeutique faible ne sont remboursés qu’à 15 % de leur coût, les médicaments dont la valeur thérapeutique est modérée sont remboursés à 35 pour cent et ceux dont la valeur thérapeutique est élevée sont remboursés à 65 %. Souvent, la différence entre la subvention publique et le coût réel est prise en charge par des assurances complémentaires payées par primes.
6. Qui donc empêche le Canada d’adopter un régime d’assurance-médicaments universel? On accuse à la fois les compagnies d’assurance privées, les intervenants des régimes d’assurance-médicaments et les sociétés pharmaceutiques. Walter Robinson, qui représente les fabricants de médicaments de marque, a affiché une diapo PowerPoint montrant la position de la Rx&D : « le coût des médicaments par rapport au revenu ne devrait pas décourager l’accès ou l’adhésion aux traitements susceptibles de sauver des vies, d’améliorer la vie ou de maintenir en vie ». Une telle position peut soutenir en partie un programme d’assurance-médicaments, même s’il n’a pas nécessairement à être universel.
7. Un des participants à la conférence a réprimandé les sociétés pharmaceutiques pour le peu d’argent qu’elles dépensent dans le domaine de la recherche, par rapport au marketing. Tandis que Robinson essayait de justifier l’argent dépensé en marketing par les fabricants de médicaments de marque, Jeff Connell, de l’Association canadienne du médicament générique, s’est fait applaudir lorsque, sans gêne, il a dit « si vous aviez trouvé une cure pour le cancer, vous n’auriez pas à faire toutes ces annonces ». De nombreux nouveaux médicaments de marque n’offrent que de maigres avantages par rapport aux médicaments existants.
8. La valeur du régime d’assurance-médicaments du Québec a fait l’objet de débats intenses. Marie-Claude Prémont, professeure de droit, a dit que ce n’était pas un « régime universel » mais un « régime général » où, en moyenne, les mauvais risques vont au régime public et les bons risques au régime privé. Mélange de régimes privés et public, l’assurance est obligatoire pour tous les Québécois et, en tant que telle, la province entière est couverte depuis 1997. Madame Prémont note qu’un tel système mixte ne fait rien pour contrôler les coûts – les médicaments coûtent plus cher au Québec que dans n’importe quelle autre province. Le système est également construit sur le modèle des assurances privées, avec des primes annuelles et des franchises, certaines extrêmement élevées pour les travailleurs à temps partiel obligés de par la loi de payer les primes du régime offert dans leur milieu de travail. Avec un système mixte comme celui-ci, l’uniformité n’est pas forcément évidente. Vu que les régimes privés et publics fonctionnent séparément, il n’y a pas de subventionnement croisé entre les régimes publics à hauts risques et les régimes privés à risques plus faibles.
9. Barbara Martinez, de la compagnie d’assurance-vie Great West, a fait remarquer que la plupart des régimes d’assurance-médicaments ne sont pas réellement des assurances. L’assurance implique un faible taux de sinistres et des coûts élevés, mais la plupart des régimes d’assurance-médicaments sont prévisibles et les demandes de remboursement sont irrégulières. Le coût moyen par membre d’un régime privé a passé de 1 140 $, en 2006, à 1 464 $, en 2010 (coût de l’administration ou profits non inclus). La personne moyenne se fait rembourser 24 ordonnances par année. « Votre employeur ne fait vraiment que payer vos médicaments », a-t-elle dit. Ce sont les cas catastrophiques qui sont véritablement assurables, a-t-elle dit à la conférence. C’est l’augmentation du nombre de médicaments organiques et de spécialité qui cause des problèmes au niveau des assurances.
10. Quelles sont vos chances d’avoir un régime d’assurance-médicaments privé dans votre lieu de travail? Selon Julie White, de l’Association des syndicalistes retraités du Canada, si vous êtes à temps partiel, non syndiqué, une femme ou dans le secteur privé, vos chances d’en avoir un sont moindres. Les taux d’assurance varient aussi d’une province à l’autre.