Même les riches peuvent subir les retombées de l’austérité sur leur santé

À premier abord, c’était un mystère. Comment cela se faisait-il qu’en dépit d’un été 2007 extrêmement sec et chaud les cas d’infections à virus du Nil occidental avaient augmenté de 276 pour cent à Bakersfield, en Californie?

Par temps sec, les moustiques, qui transmettent la maladie des oiseaux à l’homme, sont généralement plus rares.

Les laboratoires avaient confirmé 140 cas d’infection à Bakersfield, une ville de plus de 800 000 habitants située dans le sud de la Californie.

Les chercheurs de l’Université de la Californie avaient remarqué que les vues aériennes de la ville montraient quelque chose d’inhabituel – une prolifération d’algues dans les piscines privées, les cuves thermales et les étangs décoratifs. D’après les photos aériennes, 17 pour cent des piscines et des cuves thermales contenaient une eau verdâtre propice aux moustiques.

Bakersfield était aussi à l’épicentre des saisies hypothécaires – le fléchissement du marché immobilier ayant entraîné une hausse de 300 pour cent du nombre de délinquances hypothécaires.

Le Dr William K. Reisen, entomologiste et chercheur au Centre des maladies à transmission vectorielle, avait demandé à son équipe d’aller frapper aux portes de ces maisons et elles étaient vides. Laissées à l’état d’abandon, les piscines, les cuves thermales et autres pièces d’eau étaient devenues des aires de reproduction idéales pour les moustiques.

Cette histoire figure dans le nouveau livre intitulé The Body Economic: Why Austerity Kills, de David Stuckler et Sanjay Basu, qui nous rappelle que nous sommes tous concernés.

Tandis que le fossé de l’inégalité s’élargit, les plus riches ont peut-être l’impression d’avoir gagné la guerre des classes, mais les mesures d’austérité ne les tiennent pas à l’abri du déclin général de la santé des populations. Les moustiques se fichent de votre compte de banque.

Dans le sud de la Grèce, on voit réapparaître une autre forme de maladie transmise par les moustiques – le paludisme. La maladie est réapparue en Grèce pour la première fois en 2011, après 40 ans sans. Le réchauffement climatique et la crise économique ont tous deux joué un rôle dans le retour de la maladie, avec les budgets locaux pour la pulvérisation d’insecticide coupés de manière drastique, à l’instar de bien d’autres services au sein de la fonction publique grecque.

À Londres, un des plus grands marchés financiers internationaux, la propagation de la tuberculose, une maladie infectieuse généralement associée aux pays en voie de développement, pas à l’épicentre international des richesses et pouvoirs, constitue aujourd’hui un des plus graves problèmes de santé publique. Environ 40 pour cent des cas de tuberculose en Grande-Bretagne ont été recensés dans la capitale, et plus inquiétant encore, les nouvelles infections sont de plus en plus souvent dues à des souches pharmacorésistantes.

Selon Wikipedia, les personnes qui sont en contact de manière prolongée, fréquente ou étroite avec des personnes qui souffrent de tuberculose courent un risque d’infection particulièrement élevé, estimé à 22 pour cent. Une personne atteinte de tuberculose évolutive non traitée peut infecter 10 à 15 autres personnes (ou davantage) par année.

La propagation de la maladie au Royaume-Uni est directement liée aux coupures effectuées dans le filet de sécurité sociale, lesquelles ont laissé de nombreuses personnes sans foyer; la décision du premier ministre David Cameron de mettre un terme à la construction des nouveaux logements sociaux y ayant largement contribué.

L’été dernier, on a trouvé des souches de tuberculose dans 18 comtés, en Floride.

Selon le Palm Beach Post, la Floride a connu « l’épidémie de TB la plus rapide et la plus vaste » aux États-Unis. Le journal mentionne qu’un représentant des Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis en visait avait dit que c’était une des pires que son groupe ait observée en 20 ans.

La propagation de la tuberculose est une conséquence du sans-abrisme. D’après les auteurs Stuckler et Basu, « les sans-abri courent un risque élevé de contracter des maladies infectieuses comme la tuberculose, qui peuvent ensuite se propager au reste de la population ».

Cette situation ne concerne pas uniquement la Floride et Londres. Selon une étude effectuée à Toronto et publiée en 2011 par l’Hôpital St-Michael, on a recensé 91 personnes sans abri souffrant de tuberculose évolutive entre 1998 et 2007. D’après le rapport, elles étaient à un stade avancé et très contagieux de la maladie, et 19 pour cent d’entre elles ont perdu la vie dans les douze mois suivant le diagnostic.

Stuckler et Basu concluent leur livre avec trois préceptes pour notre époque. Le premier est de ne pas faire le mal, exhortant les décideurs à peser toutes les conséquences de leurs décisions politiques. « Préférez-vous voir baisser le déficit budgétaire à court terme de 0,3 pour cent ou compter 2 000 décès de plus aux États-Unis? Si, pendant la grande récession, nos décideurs et responsables politiques avaient pris des mesures d’austérité fondées sur ces principes, ils auraient probablement choisi d’autres priorités », écrivent-ils.

Les auteurs recommandent aussi de mettre l’accent sur la création d’emplois et de programmes d’adaptation de la main-d’œuvre – en particulier parce qu’ils ont une incidence sur la santé mentale et le taux de suicide. Leur troisième recommandation est d’investir dans le domaine de la santé publique, soulignant que, dans le cas de Bakersfield, l’impact de la première flambée avait été atténué par le projet sur l’encéphalite de la Californie. En raison des restrictions budgétaires, la ville de Bakersfield s’est retrouvée sans aide lors de la deuxième épidémie.

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