Les défenseurs des soins de santé à deux paliers ne reconnaissent pas le prix que le deuxième palier coûte au premier.
À Montréal, un patient présentant un risque moyen attend en moyenne deux à trois ans dans le système public pour obtenir une coloscopie.
L’Hôpital Royal Victoria de Montréal n’accepte plus aucune demande de coloscopie de nouveaux patients – du moins jusqu’à ce qu’ils aient pu rattraper le travail en retard.
Un médecin de famille s’est plaint à la Gazette de Montréal que les longues attentes visent en fait à forcer les patients à s’adresser aux cliniques privées, et plus particulièrement lorsque les gastroentérologues travaillent des deux côtés de la barrière.
Tandis que les hôpitaux refusent des patients qui ont besoin d’une coloscopie, les cliniques privées de la ville offrent des rabais pour attirer plus de patients.
Là où le privé existe, on a tendance à créer de longues attentes dans le système public pour pousser les patients à recourir au système privé. Toutefois, en le faisant, on pousse aussi les professionnels dans ce système, aggravant encore davantage la situation.
Aux États-Unis, où ce problème est encore plus évident, une étude de l’Université Duke a révélé que les médecins qui ont la capacité d’établir des diagnostics dans leur cabinet commandent 2,48 fois plus souvent des examens d’imagerie que les médecins qui n’ont aucun intérêt financier à le faire. Des 14,1 milliards de dollars dépensés en imagerie diagnostique en 2006, 9 milliards l’ont été dans les cabinets de médecins. L’étude estime qu’au moins 3,6 milliards de dollars en fonds du régime d’assurance-maladie sont dépensés à rembourser des médecins pour des examens d’imagerie considérés inutiles.
Aux États-Unis, les médecins n’ont pas le droit de renvoyer leurs patients à des installations extérieures dans lesquelles ils ont un intérêt financier. Toutefois, cette règle ne s’applique pas aux installations sur place, qui font partie de leur pratique privée.
Dans une large mesure, au Canada, les règles régissant les conflits d’intérêt sont établies et mises en application par les ordres professionnels. Ces règles doivent être renforcées dans un environnement où la prestation à but lucratif des soins de santé est à la hausse, que le paiement soit effectué par le régime d’assurance-maladie public, par une assurance privée ou par le patient.