Personne ne veut en parler, même si 50 % des victimes risquent de perdre leur emploi. En Alberta, une employée sur cinq a signalé son impact sur leur lieu de travail. Et on dit que cet impact coûte 77,9 millions de dollars par an aux employeurs. En Australie, on estime qu’il représente 8 % du fardeau des maladies chez les femmes âgées de 18 à 44 ans, et que c’est le facteur de risque de mauvaise santé le plus élevé qu’on reconnaisse. Cinquante-six pour cent des victimes risquent d’arriver en retard au travail au moins cinq jours par mois.
Les deux cas les plus médiatisés au Canada mettaient en cause des hôpitaux.
Avez-vous deviné de quoi je parle?
Eh oui, de la violence familiale.
Jan Reimer, coordonnatrice provinciale du Conseil albertain sur les refuges pour femmes (Alberta Council of Women’s Shelters – ACWS) a parlé de ce qu’elle appelle un « problème caché » dans le cadre de la réunion du Secrétariat canadien des professionnels de la santé qui a eu lieu à Ottawa vendredi dernier.
La Health Science Association of Alberta et l’ACWS entreprennent une campagne en Alberta pour sensibiliser et encourager les travailleurs à prendre des mesures en aidant leurs collègues qui montrent des signes de violence familiale. En collaboration avec le syndicat, l’ACWS a aussi développé une trousse d’outils pour les employeurs.
Le meurtre d’une infirmière du nom de Lori Dupont, en 2005, à Windsor, par son ex-conjoint, avait entraîné l’adoption du projet de loi 168, qui exige des employeurs qu’ils élaborent des politiques sur la violence et le harcèlement au travail et des programmes visant à réduire les risques. L’enquête qui suivit démontra qu’il existait 84 signes de danger visibles et occasions d’intervenir.
La même année, on a été témoin en Alberta de l’assassinat de Liana White, une commise d’unité à l’Hôpital Royal Alexandra d’Edmonton. Le mari de Liana avait été condamné pour meurtre au deuxième degré. Liana, qui avait alors 29 ans, était enceinte.
Reimer, ancienne maire à Edmonton, avait insisté pour dire que les conventions collectives devraient être réécrites pour prendre en compte l’impact de la violence au travail sur les travailleurs. Ces modifications pourraient inclure des modalités de travail souples et l’accès à des défenseur(e)s et à des conseillers(ères).
Elle a parlé du cas d’une travailleuse en restauration rapide qui avait été battue et à laquelle on avait dit de rentrer à la maison sans paie jusqu’à ce qu’elle soit plus présentable pour servir les clients du restaurant. La travailleuse n’avait pas pu payer son loyer, ajoutant à l’impact de l’agression déjà subie.
Tandis que Reimer félicitait l’Ontario d’avoir introduit une loi pour traiter de la violence familiale au travail, elle a fait remarquer que le projet de loi 168 manquait de « mordant ».
Reimer a fait remarquer qu’elle avait eu la chance de recevoir des fonds d’entreprises de la communauté pour le projet. Dans un revirement qui souligne la réticence des Canadiens à aborder la question, elle a dit qu’une grande partie des entreprises qui avaient donné ne voulaient pas voir de présentations sur la question dans leurs propres lieux de travail.
« Un jour, il arrivera quelque chose de grave et alors elles seront intéressées », a-t-elle ajouté.
Reimer nous dit aussi que le problème est réprimé par un certain esprit « d’optimisme ». Bien des gens ne se rendent pas compte de ce qui se passe et pense que la violence familiale… c’est pas pour nous, ça arrive toujours ailleurs et à quelqu’un d’autre.
En dépit de ses effets documentés sur le lieu de travail – 74 % des victimes de violence familiale sont harcelées au travail – 85 pour cent estiment encore que ce n’est pas un problème dans leur lieu de travail.
« On ne peut pas changer ce qu’on ne veut pas voir », a encore dit Reimer.
La difficulté à faire en sorte que les gouvernements réagissent est en partie liée au manque de données pancanadiennes à ce sujet. Le SNEGSP travaille actuellement avec le Congrès du travail du Canada dans le cadre d’un sondage national qui, ils l’espèrent permettra de combler certaines de ces lacunes. À la fin du mois de février, plus de 3 800 sondages avaient été remplis.
Brenda Hildahl, du SNEGSP, a dit qu’il était important que ces femmes soient capables de répondre à ces sondages en privé et aient le temps de réfléchir à la question. Elle reconnaît que ces sondages peuvent avoir un « effet déclenchant » en faisant ressurgir des émotions qui sont associées à l’abus.
Les résultats du sondage du CTC devraient être publiés le 6 décembre prochain, date d’anniversaire du massacre de l’École polytechnique de Montréal.