Il semblerait, ces quelques derniers jours, qu’on se soit trompé en ce qui concerne le nouveau et brave monde de la réforme des soins de santé.
On l’entend de partout : nouveau décès violent dans une maison de soins infirmiers; autre personne âgée renvoyée plus tôt que prévu de l’hôpital, sans soutien; une nouvelle communauté pleure la perte d’un service hospitalier clé; et un nouveau rapport qui nous laisse croire que nous perdons la lutte axée sur les déterminants sociaux de la santé.
Qui pis est, un rapport des conservateurs, découvert on ne sait trop comment le week-end dernier, montre que les prochaines élections risquent surtout de porter sur une nouvelle attaque contre le niveau de vie des travailleurs, en affaiblissant considérablement le pouvoir des syndicats. Pense-t-on vraiment qu’un niveau de vie à la baisse puisse améliorer quoi que ce soit? À fortiori la santé de la population en Ontario?
Si vous étiez à la place de Sandra Bullock, perdue dans l’espace, lutteriez-vous vraiment avec autant de vigueur pour redescendre sur terre?
Vu la détermination du gouvernement à vouloir déplacer les patients hospitalisés dans la communauté, le programme entier risque d’imploser une fois que les Ontariens découvrent par eux-mêmes combien l’alternative est misérable.
Et ça inclut Madame Joanne Stockman, âgée de 85 ans, qui est sortie du Système de santé de la vallée de la Rouge plus tôt que prévu, soit trois jours seulement après s’être fait opérée de la hanche (la moyenne est de 4,4 jours).
Nous avons beaucoup parlé de la façon dont l’Hôpital de Scarborough et le Système de santé de la vallée de la Rouge envisagent d’éliminer de leurs budgets un déficit combiné de 28 millions de dollars dû à un gel soutenu de leur financement de base. Comme si ce n’était pas assez, il semblerait que le fait de desservir une communauté où les besoins sont criants et de pratiquer un nombre élevé d’interventions chirurgicales ne soit pas en faveur de l’hôpital dans la formule de financement.
On a poussé Joanne Stokman de la plateforme ardente que la ministre de la Santé Deb Matthews avait créée dans son zèle visant à transférer les soins de santé dans la communauté.
Le problème est que lorsque Madame Stokman a « atterri » dans la communauté, personne n’était là pour la rattraper. Selon le Toronto Sun, personne n’est venu la voir avant 14 jours après sa sortie de l’hôpital.
Au minimum, un gel du financement de base des hôpitaux aurait un impact de quelque 600 millions de dollars si l’on tient compte de l’inflation, de la croissance démographique et du vieillissement de la population. Combien les centres d’accès aux soins communautaires ont-ils reçu? La réponse est la suivante : 185 millions de dollars. Si on ajoute les soins communautaires, ce chiffre va jusqu’à 260 millions de dollars, soit moins de la moitié de ce que le gouvernement économise en imposant ce gel sur les hôpitaux.
Et combien les maisons de soins de longue durée reçoivent? Deux pour cent. Une partie de ces 2 % servira à ajouter quelques centaines de lits de courte durée dans ces foyers pour les personnes qui sont mises à la porte de l’hôpital trop tôt. Autrefois, la ville de Toronto complétait le financement de ses 10 maisons de soins infirmiers, reconnaissant, à l’époque Harris, que le financement de base de la province ne suffisait pas.
Il est donc tragique de voir un des foyers de la ville sous le feu des projecteurs le week-end dernier après qu’un résident de 81 ans ait été accusé de meurtre au deuxième degré suite au décès suspect d’un autre résident.
Comme le Toronto Star l’a clairement dit, les problèmes dans cet établissement ne datent pas d’hier. Une inspection a révélé que deux tiers du personnel n’avaient pas reçu de formation sur les droits des résidents et la déclaration obligatoire. La moitié du personnel n’avaient pas reçu de formation sur les questions de santé mentale, malgré le fait que l’établissement montre un taux de « complexité de cas » bien supérieur à celui des autres maisons exploitées par la ville.
Le Star a fait remarquer que le foyer de 456 lits avait accumulé 31 dossiers d’inspection du ministère dans les 29 derniers mois.
« C’est ce qui empêche les gens de dormir la nuit », a dit Donna Rubin au Star. Le président-directeur général de l’Ontario Association of Non-Profit Homes and Services for Seniors a ajouté qu’il ne pouvait pas garantir la sécurité. « Nous n’avons pas assez de personnel sur place. Nos employés ne sont pas suffisamment formés. »
Comme nous l’avons mentionné la semaine dernière, en plus de ces quelques anecdotes, il y a aussi des preuves comme quoi le niveau des effectifs n’a pas suivi le rythme en Ontario avec les niveaux d’acuité croissants des résidents des maisons de soins infirmiers.
Les résidents de Windsor avaient aussi bien des choses à dire après avoir appris qu’ils devraient bientôt faire 180 km jusqu’à London pour une chirurgie thoracique. Ceci après qu’on ait dit à l’Hôpital régional de Windsor qu’il perdrait tout son financement pour la recherche sur le cancer si les chirurgies thoraciques n’étaient pas transférées hors de cette ville de 216 000 habitants.
La province a fait valoir que les volumes à London rendraient ces chirurgies plus sûres, même si Action Cancer Ontario n’a fourni aucune preuve suggérant une différence dans les résultats entre les deux villes.
La députée néo-démocrate Taras Natyshak a affiché une pétition en ligne pour sauver les services d’oncologie à Windsor.
Lorsque la ministre de la Santé a parlé la semaine dernière dans le cadre de la conférence HealthAchieve de l’Association des hôpitaux de l’Ontario, parmi les nombreux accomplissements de la province, elle a mentionné une réduction de la pauvreté.
Et pourtant, encore aujourd’hui, le Toronto Star nous dit qu’en décembre dernier, plus de 158 000 ménages attendaient encore de trouver un logement abordable en Ontario. C’est à peu près 3 % de tous les ménages de la province – le plus grand nombre enregistré depuis que l’Association du logement sans but lucratif de l’Ontario a commencé à suivre ces chiffres.
Un logement sûr et abordable fait partie des principaux déterminants sociaux de la santé. En plus de ne pas construire suffisamment de logements abordables, ceux qui existent sont en extrêmement mauvais état. Un des fournisseurs, la Toronto Community Housing Association, a déclaré avoir un retard dans ses réparations de 862 millions de dollars.
Tandis que le gouvernement Wynne fait face à de sérieux défis sociaux, il préfère s’amuser avec l’idée d’importer des politiques à l’anglaise ou à l’américaine qui mettront le financement des activités sociales entre les mains d’investisseurs cherchant à s’enrichir sur le dos des citoyens les plus en marge de la société ontarienne (nous en reparlerons plus tard).
Il est clair que la réforme des soins de santé ne peut se produire dans un contexte d’austérité. Il y a deux semaines, dans un forum du Conference Board, la Dr Danielle Martin a déclaré qu’elle en avait « assez » de cette plateforme ardente. Alors qu’elle ne savait peut-être pas où tout cela la mènerait, une autre personne a suggéré qu’il y avait « assez de bois sur le feu ».
Le problème, c’est qu’on nous demande à tous et à toutes de sauter pieds joints dans le feu.