Le parti conservateur de l’Ontario a presque tourné le dos à l’abîme le week-end dernier.
L’an dernier, les conservateurs provinciaux ont publié un livre blanc qui défendait des politiques du travail à l’américaine qui s’approprient les droits des travailleurs dans ce pays depuis plus d’un demi siècle.
Plutôt que de simplement « renifler » ces politiques radicales et les laisser passer, les députés provinciaux les ont défendues toute l’année, sachant fort bien qu’un tel comportement les éloignerait largement du centre de gravité politique. Tandis que l’ancien chef conservateur John Tory leur avait ouvertement conseillé de se débarrasser de telles politiques, une petite majorité du congrès du parti a plutôt décidé de les adopter officiellement le week-end dernier. Seuls 45 % des délégués ont voté en faveur.
Adoptant une page du programme du Tea Party américain, les conservateurs se rapprochent désormais d’une vraisemblable élection printanière en empruntant un virage flagrant à droite.
La question est la suivante : parviendront-ils à convaincre les travailleurs de voter contre leurs meilleurs intérêts? De telles politiques américaines radicales ont non seulement eu un effet dévastateur sur les syndicats, mais ont largement pillé la classe moyenne au sud de nos frontières. Tandis que les gens dégringolent de l’échelle économique, il n’est pas difficile de les convaincre de blâmer ceux qui sont encore suspendus aux échelons juste au-dessus d’eux. Ils peuvent rarement voir que ce n’est que ceux qui se trouvent près du sommet qui ont encore de la place pour grimper.
Même si les inégalités augmentent rapidement au Canada, nous n’en sommes pas encore là où en sont les États-Unis. Près d’un travailleur sur trois est membre d’un syndicat au Canada. Aux États-Unis, on parle d’environ un travailleur sur 10.
Les non-syndiqués dans des endroits comme Alliston et Cambridge devraient aussi être reconnaissants à leurs cousins syndiqués de chez General Motors, Chrysler et Ford, qui ont largement contribué à leur rémunération chez Honda et Toyota. Les travailleurs des hôpitaux qui ne font pas partie d’un syndicat devraient savoir que leurs salaires et prestations ont été gagnés à une table de négociation, même s’ils n’ont rien fait pour.
Si le mouvement ouvrier échoue en Ontario, on peut être certain que le salaire de tous les travailleurs dégringolera, pas seulement 1 sur trois. Comme l’excellent documentaire du SEFPO produit par Bill Gillespie le montre, près d’un demi-siècle de politiques semblables en Caroline du Sud n’ont pas amélioré le sort des personnes qui travaillent dans cet État. Comment peut-on croire que nous ferions exception?
Il est frappant de constater qu’après le congrès, les médias grand public parlent encore de l’image publique de Tim Hudak plutôt que des politiques répugnantes qu’il apporte à la table. Rex Murphy a qualifié Hudak de « vide dans un costume ».
John Tory a dit la semaine dernière que cette politique aurait pour effet de créer une guerre avec les travailleurs. Il a sans doute raison.
Hudak a utilisé tout le vocabulaire du Tea Party américain le week-end dernier, dépeignant une image des « patrons » syndicaux pour faire une distinction entre les travailleurs et leurs dirigeants. Mais il oublie que tout comme lui, ces dirigeants syndicaux ont été élus dans le cadre d’un congrès. La différence, c’est que les membres d’un syndicat peuvent, comme dans le cas du SEFPO, changer d’avis tous les deux ans. Jusqu’ici, ils ne l’ont pas fait. Il est vraisemblable que de nombreux conservateurs plus modérés aimeraient profiter de nos règles démocratiques aujourd’hui.
Dans les sondages, Hudak est déjà considéré comme le moins sincère des chefs des trois principaux partis. Quand on parle en termes politiques codés de la sorte, il n’est pas difficile de comprendre que plutôt que de communiquer honnêtement on est en train de manipuler les électeurs en testant un script.
Le secteur des soins de la santé est l’un des secteurs les plus syndiqués. Le SEFPO représente 47 000 membres dans nos hôpitaux, maisons de soins infirmiers, organismes de soins à domicile et autres établissements de soins de santé. La mauvaise nouvelle pour Hudak est que les sondages démontrent constamment que les professionnels de la santé sont considérés comme étant beaucoup plus crédibles que les politiciens et les banquiers.
Pour nous, ce devrait être à la fois une occasion et une obligation de briller pour nos confrères et consœurs.
De nombreux professionnels ont décidé d’aller pratiquer ailleurs à l’époque Harris. Il a fallu de grands efforts du gouvernement McGuinty pour les encourager à revenir. La possibilité que les professionnels des soins de santé de l’Ontario votent de nouveau avec leurs jambes devraient vraiment faire peur aux gens qui s’inquiètent déjà des temps d’attente et de l’accès aux soins.
Le défi, pour nous tous, consiste à sensibiliser la population sur l’absurdité de ces politiques. Nous savons désormais sur quel pied les conservateurs dansent. Ils ne peuvent plus faire passer leur position pour un document de discussion.
Les conservateurs avaient un choix à faire ce week-end. Ils auraient pu blâmer le livre blanc sur le député libertaire rebelle Randy Hillier et reprendre leur place au centre. Hillier est déjà dans les mauvais papiers de Hudak, alors il ne lui restait pas grand chose à perdre. Ils auraient pu montrer un intérêt en équilibrant les intérêts des grandes entreprises et de la main-d’œuvre. Ils ne l’ont pas fait. Si moins de la moitié des députés PC ont appuyé une telle politique, que vont donc en penser les Ontariens le printemps prochain?