Quand les conservateurs fédéraux ont supprimé le terme « progressistes » de leur titre, après leur fusion avec le Parti réformiste, il était inévitable que l’idéologie de la droite radicale des réformistes entre en conflit avec les anciens progressistes-conservateurs plus pragmatiques.
Cette semaine, la majorité conservatrice au Sénat a efficacement bloqué un projet de loi de la majorité conservatrice à la Chambre des communes, démontrant qu’au moins 16 sénateurs conservateurs n’ont aucun appétit pour le genre de jeu de gros dur antidémocratique caractéristique du gouvernement Harper. Six autres se sont abstenus de voter.
Les amendements par la Chambre haute ont retardé l’entrée en vigueur d’une mesure législative antisyndicale enfouie dans un projet de loi émanant d’un député. Le projet de loi C-377 avait été présenté par le député Russ Hiebert pour forcer la divulgation publique de tout paiement de 5 000 $ ou plus fait par un syndicat à un groupe extérieur ou à un particulier. Il proposait également la divulgation de tout salaire syndical supérieur à 100 000 $, comme ce qu’on a avec la Sunshine List, en Ontario.
Les syndicats dépendent des cotisations de leurs membres pour vivre, pas des fonds publics. Les syndiqués ont accès à l’information financière de leurs syndicats et participent à la prise de décisions sur la façon dont l’argent est dépensé, mais il n’y a aucune raison que des gens qui ne cotisent pas aient accès à cette information.
Au SEFPO, le budget du syndicat est débattu ouvertement chaque année dans le cadre du Congrès. Près de 2 000 personnes assistent au congrès; ainsi, il est évident que ces détails n’ont rien d’un secret.
Ce projet de loi ne ferait que créer un tas de paperasserie pour le mouvement syndical, une chose que les conservateurs jurent toujours de supprimer ou réduire dans le secteur des affaires.
Il est vrai que les cotisations syndicales sont déductibles d’impôt, mais les REÉR le sont eux aussi. Nous ne voyons pas de législation équivalente appliquée au secteur financier canadien.
Dans un premier temps, le gouvernement Harper avait dit aux dirigeants syndicaux que le projet de loi était d’initiative parlementaire, pas une politique du gouvernement, mais lorsque le vote critique est arrivé à la Chambre des communes, le fouet des conservateurs a fait en sorte que les députés conservateurs l’adoptent. Nous doutons bien que Stephen Harper en ait perdu le sommeil.
Il ne fait aucun doute que l’intention de la loi est de harceler les mouvements syndicaux et de purger l’argent dépensé dans le cadre des activités politiques auxquelles participent les syndicats au nom de leurs membres. Il y a fort à parier que le gouvernement Harper voudrait mettre sous silence la contribution du mouvement syndical au débat public et laisser la place au secteur des entreprises pour façonner l’opinion publique et soutenir leurs propres intérêts.
Le mouvement ouvrier au Canada est encore assez important pour servir de contrepoids aux sociétés qui cherchent à transformer le pays à leur avantage.
Le SEFPO cherche actuellement à mettre en évidence l’impact de l’engagement des conservateurs provinciaux à promulguer ici en Ontario une législation du travail à l’américaine. On se doute bien que l’objectif à long terme est de nous empêcher entièrement d’assister à ces activités, même si une telle loi finirait par nuire à la rémunération des membres que nous représentons.
Une des premières choses qu’un syndiqué apprend est que ce qui se passe dans le monde a un impact direct à la table de négociation. Si les syndicats ne peuvent participer au débat public autour de ces enjeux, les membres seront perdants quand vient le moment de négocier une convention collective.
De toute évidence, il y a au moins 16 conservateurs au Sénat qui peuvent voir à quel point ce projet de loi est injuste et antidémocratique. Et ce n’est pas comme s’ils se voyaient accorder du respect par le gouvernement pour leur travail.
Selon le Globe and Mail, Marjory LeBreton, chef du gouvernement conservateur au Sénat, a qualifié d’espiègle son collègue conservateur Hugh Segal pour avoir déposé l’amendement au Sénat.
L’amendement renvoyé à la Chambre des communes comprend une augmentation du seuil des dépenses à 150 000 $ et la divulgation des salaires supérieurs à 444 661 $, soit l’équivalent de ce qu’un sous-ministre fédéral le mieux payé reçoit. Les syndicats comptant moins de 50 000 membres seraient exemptés de la divulgation.
Avec le retour du projet de loi amendé à la Chambre des communes, cela signifie que la Chambre ne s’en occupera sans doute pas de nouveau avant l’automne.