Gagnon : C’est le coût croissant des médicaments qui est insoutenable, pas le régime public

Le Dr Marc-André Gagnon a pris la parole dans le cadre de la conférence Étudiants pour le régime public le 27 avril dernier à Toronto

Le Dr Marc-André Gagnon a pris la parole dans le cadre de la conférence Étudiants pour le régime public le 27 avril dernier à Toronto

Le Dr Marc-André Gagnon dit qu’alors que le régime public d’assurance-maladie est viable, le coût croissant des médicaments ne l’est pas.

Expert de premier plan en politique pharmaceutique au Canada, le Dr Gagnon, de l’Université Carleton, s’est adressé aux participants de la conférence Étudiants pour le régime public samedi dernier à Toronto.

Selon Gagnon, le coût des médicaments a augmenté en moyenne de 10 pour cent par année depuis 1988. Même en tenant compte de ce qu’on appelle la « perte de brevets », où le prix de certains produits phares baisse en raison de la disponibilité récente de produits génériques, le coût global des médicaments augmente de 4,7 pour cent par année.

L’avantage de la perte de brevets ne durera pas, selon Gagnon. Dans les deux ou trois prochaines années, sans réforme du système, les prix augmenteront à nouveau.

Pour Gagnon, la question n’est pas d’avoir une réforme, mais plutôt de bien la choisir. Le coût des médicaments au Canada et au Japon augmente plus rapidement que dans n’importe quel autre pays industrialisé et les provinces sont soumises à des pressions pour agir rapidement.

Au Canada, 44 pour cent des dépenses en médicaments sont publiques, 38 pour cent prises en charge par des assurances privées et 18 pour cent directement prises en charge par la personne.

Tandis que les Canadiens paient cher leurs médicaments, la promesse que de tels prix refléteraient un plus gros investissement en recherche et développement dans le secteur privé n’a pas été remplie. Contre de longues périodes de protection par brevets, les compagnies pharmaceutiques au Canada s’étaient engagées à investir 10 pour cent en R&D, mais elles ne dépensent actuellement qu’environ 5,6 pour cent dans ce domaine. Les autres pays à prix élevés, tels que la Suisse, ont des niveaux beaucoup plus élevés de financement privé de la recherche.

Des 960 millions de dollars dépensés par les compagnies pharmaceutiques dans la recherche au Canada, environ la moitié (461 millions de dollars) est compensée par des crédits d’impôt.

La réforme viendra peu probablement du secteur privé. Les compagnies d’assurance n’ont aucun incitatif à réduire les coûts et sont elles-mêmes soumises aux pressions des employeurs en ce qui concerne la gestion du formulaire des médicaments. Gagnon affirme que les membres des syndicats exigent souvent d’être couverts pour les produits de marque, même lorsque le résultat est le même qu’avec des produits génériques moins chers. Quatre-vingt-quinze pour cent des régimes d’assurance-médicaments privés ne prévoient pas la substitution obligatoire des médicaments génériques au Canada. En outre, trois régimes d’assurance-médicaments sur quatre n’ont pas de limite sur les honoraires du pharmacien.

Gagnon estime le coût du « gaspillage » au sein du système – médicaments sur ordonnance plus chers qui n’améliorent pas les résultats pour la santé – à 5,3 milliards de dollars (2011) – ou 56 % de ce que nous dépensons en médicaments.

Une partie de notre problème réside dans la façon dont nous établissons le prix des médicaments. Le Canada fixe un plafond sur le prix des médicaments en fonction du coût médian de sept pays de comparaison. Quatre de ces sept pays sont parmi les plus chers au monde. Le Canada est généralement le 4e ou 5e pays le plus cher.

En outre, les compagnies pharmaceutiques se servent d’ententes d’inscription de produits pour monter les juridictions les unes contre les autres.

Voici comment cela fonctionne : Un nouveau médicament coûteux est lancé sur le marché, mais les régimes d’assurance-médicaments provinciaux hésitent à l’inscrire au formulaire, en raison du coût bien sûr, mais aussi parce que les bienfaits nets sur la santé sont comparables aux médicaments moins chers déjà inscrits. Une compagnie pharmaceutique utilise un acteur plus important, tel que l’Ontario, pour ajouter le produit sur le formulaire, l’incitant au moyen d’importantes remises. La pression monte dans les autres juridictions – venant dans certains cas de groupes de défense des patients financés par les compagnies pharmaceutiques – pour avoir accès au même médicament que les Ontariens. Soumises à une forte pression politique, les autres provinces emboîtent le pas, mais ne savent pas ce que l’Ontario a payé et finissent ainsi par bénéficier de remises bien inférieures. Une fois que le prix est accepté par les provinces, les compagnies d’assurance privées paient le plein prix de détail.

Deux tiers des nouveaux médicaments brevetés n’ajoutent aucune valeur au traitement selon Gagnon.

Tandis que Gagnon affirme qu’il est temps de proposer un régime d’assurance-médicaments national qui donnera à tous accès aux médicaments nécessaires, ce ne sera pas « bar ouvert » pour tout le monde.

Il serait important, selon lui, que la prescription soit plus rationnelle.

Alors que le Canada pourrait économiser un minimum de 10 % sur les dépenses en médicaments avec un programme d’assurance-médicaments national, passer à un régime plus agressif, comme par exemple celui qu’on utilise en Nouvelle-Zélande, pourrait entraîner des économies de l’ordre de 42 %.

Alors que les coûts ont augmenté de façon spectaculaire au Canada, le prix des produits pharmaceutiques est resté stable en Nouvelle-Zélande.

Comment se fait-il qu’un pays de 4,4 millions d’habitants puisse négocier de meilleurs prix que le Canada, qui a une population de près de 34 millions de personnes?

Vu que les médicaments représentent les deuxièmes dépenses de santé les plus élevées au Canada, après les hôpitaux, les politiciens feraient bien de prêter attention.

Le Dr Marc-André Gagnon prendra la parole à Ottawa à l’occasion de la conférence 2013 de la Coalition canadienne de la santé sur le régime d’assurance-médicaments, qui aura lieu les 24 et 25 mai prochains. Ceux et celles qui sont intéressés à participer sont invités à cliquer ici. Pour lire le document du Centre canadien de politiques alternatives du Dr Gagnon intitulé The Economic Case for Universal Pharmacare, cliquez ici.

 

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