
Cette poule ne voulait certainement pas manquer notre rencontre avec les femmes de la coopérative de Masaya!
MASAYA – Personne ne fut étonné de voir cette grosse poule se joindre à la réunion, déambulant comme si elle attendait son tour de parler.
Après tout, le chien avait déjà fait son inspection et le chat avait fait une brève apparition avant que les poules décident de montrer leur bout de bec. Ça n’a semblé embêter personne.
Nous nous sommes rendus de la capitale à Masaya pour visiter un ancien projet de partenariat d’Horizons amitié qui vole désormais de ses propres ailes. Dans le monde en développement, c’est un succès remarquable. Objectif atteint.
Cinquante-cinq femmes appartiennent à la coopérative de Masaya, laquelle s’occupe de toutes sortes de choses, allant de l’agriculture mixte aux broderies sur vêtements, en passant par l’artisanat et la fabrication de poupées. Nous avons pu visiter la ferme où la coopérative fait son travail.
Réunis en cercle sous un abri ouvert, plusieurs membres de la coopérative se sont présentées et nous ont dit ce que la coopérative signifiait pour elles.
Tandis que les femmes combattaient côte à côte avec les hommes pendant la révolution, ce sont les hommes qui se sont accaparé les postes d’autorité et de pouvoir une fois que la société civile a retrouvé sa place dans le pays. La coopérative devait souligner que la lutte des femmes dans la société nicaraguayenne n’est pas une priorité pour les dirigeants en place.
Angela, la présidente de la coopérative, a avoué que bien des gens étaient sceptiques en ce qui concerne la survie de l’organisation. Les hommes de la communauté ne pensaient pas qu’un groupe de femmes pourraient réussir en affaires. On disait que l’organisation ne durerait sans doute pas plus de deux ans, ce qui n’a fait qu’alimenter leur désir de réussir.
Tandis qu’au Nicaragua, on voit plutôt des grandes corporations diriger des monocultures, les femmes voulaient répondre à la question de la sécurité alimentaire en diversifiant leurs cultures. Tandis que les bananes étaient une culture évidente pour la coopérative, on y a ajouté du bétail et même des cacaoyers. A un moment donné, nous avons dû interrompre la réunion parce qu’un client qui arrivait avait besoin de l’équipement dans le hangar pour moudre sept livres de maïs. Le coût : 40 cents.
La coopérative travaille sur plusieurs plans; elle collabore avec Horizons amitié qui lui fournit l’équipement et le matériel nécessaires pour former ses membres sur les bonnes techniques agricoles.
Gloria, une des membres de la coopérative présentes à la réunion, a dit qu’elles avaient passé beaucoup de temps et déployé de nombreux efforts récemment pour en apprendre plus sur l’agriculture biologique. Elles ont également entrepris un projet d’apiculture.
Angela nous dit qu’en plus d’avoir appris à devenir de bonnes femmes d’affaires, elles ont contribué à la transformation de la société. Et cette transformation contribue aussi à briser le cercle vicieux de la violence domestique. De plus, les hommes dans la vie de ces femmes s’adaptent à des rôles non traditionnels, y compris celui de prendre soin de leurs enfants lorsque leurs femmes sont en réunion.
La présidente de la coopérative a parlé de l’expérience acquise grâce aux échanges facilités par des organismes comme Horizons amitié. Ceux-ci ont inclus des visites avec des groupes de femmes au Canada.
Les femmes comptent également sur une autre partenaire d’Horizons amitié au Nicaragua, Mary Elena Cuadra, pour en apprendre plus sur la façon d’être efficace dans l’arène politique.
La coopérative est actuellement frustrée par une nouvelle loi qui est sensée faciliter le processus pour les femmes qui veulent devenir propriétaires de terre au Nicaragua. La majorité des femmes au sein de la coopérative louent leur ferme, ce qui restreint leurs choix en matière de cultures. Les bananiers, par exemple, bien que lucratifs, prennent longtemps à pousser. Les femmes sont ainsi obligées à cultiver davantage de maïs et de haricots, des cultures plus rapides. Tandis que les intentions de cette loi sont bonnes, le gouvernement sandiniste n’a pas appuyé l’initiative financièrement, la rendant inefficace. Plus tard, dans les bureaux de la coopérative, à Masaya, on nous a montré une affiche produite par la coopérative recommandant vivement au gouvernement Ortega d’appuyer financièrement cette loi.
Angela a dit qu’elles avaient montré au gouvernement ce dont elles étaient capables avec des terres louées. « Imaginez ce que nous pourrions faire si les terres nous appartenaient. »
Autonome, la coopérative cherche désormais à s’agrandir. Mais on s’inquiète que les nouvelles membres de la coopérative ne s’efforcent pas d’assumer les responsabilités qui accompagnent les avantages d’une telle collaboration. La coopérative a déjà passé par là. Il y a vingt ans, elle comptait 155 membres, mais peu participaient véritablement. La situation était devenue impossible à gérer.
Aujourd’hui, les nouvelles membres doivent suivre 40 heures de formation pour apprendre leur rôle au sein d’une coopérative économique comme celle-ci.
C’est difficile, et plus particulièrement pour celles qui doivent encore travailler dans les usines. Les zones de libre-échange ont entraîné une dégradation des normes du travail et ces travailleuses n’ont malheureusement que très peu de temps libre à accorder à la coopérative.
Hier soir, le Dr Harold Campos avait mis en évidence la vision sandiniste du développement économique. C’est un gouvernement en quête de partenariats et non pas de dépendance, de développement et non pas de charité.
Le genre de projets de partenariat que l’organisme Horizons amitié entreprend convient bien à ce modèle, et la coopérative de femmes de Masaya sert de preuve qu’une telle chose est possible dans un environnement de respect mutuel.
Après avoir quitté la coopérative, nous avons visité la Laguna de Apoyo, lac de cratère volcanique et réserve naturelle, et acheté des objets d’artisanat d’artisans locaux à Los Pueblos Blancos.
Sur le chemin du retour, nous avons visité la maison du héros révolutionnaire Augusto Sandino, qui aujourd’hui sert de bibliothèque et de musée. Là encore, on nous a rappelé que tandis que le parti au pouvoir se considère sandiniste, bien des gens estiment que le gouvernement s’éloigne de la vision originale de Sandino.
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Demain, nous nous rendrons à Nandaime et visiterons le Centre communautaire Oscar Arnulfo Romero; nous écouterons le témoignage de personnes directement impliquées dans la deuxième révolution du Nicaragua. À demain!