On a tiré de rudes leçons mercredi dernier sur la façon dont la démocratie fonctionne dans cette province.

Les manifestants ont demandé à Deb Matthews de combler les lacunes créées par les réductions du fédéral au niveau des prestations de santé des réfugiés
Quelques 60 à 70 manifestants, pour la plupart de jeunes travailleurs de la santé et des étudiants, ont passé plus d’une heure et demie mercredi dernier devant les bureaux de Toronto du ministère de la Santé. Par un froid mordant, ils ont attendu tout ce temps dans l’espoir de pouvoir rencontrer Deb Matthews. La température a causé un va-et-vient constant de personnes, qui se réfugiaient à l’intérieur pour se réchauffer.
Mécontents des changements apportés l’an dernier au Programme fédéral de services de santé provisoires, qui empêchent de nombreux réfugiés désespérés d’accéder à notre système des soins de santé, les manifestants voulaient que l’Ontario comble les lacunes laissées par le gouvernement supérieur. Plusieurs autres provinces, notamment la Saskatchewan, le Manitoba et le Québec, en ont déjà fait autant. Le Manitoba a dit qu’il enverrait la note à Ottawa.
Pourquoi l’Ontario tarde-t-il tant à agir?
La ministre de la Santé Deb Matthews avait déjà fourni au groupe tous les arguments dont ils avaient besoin. Elle avait écrit à Jason Kenney, le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration, en décembre dernier, pour lui dire que de telles réductions n’étaient pas seulement un déchargement sur les provinces, mais risquaient aussi de faire augmenter le coût des soins pour ces personnes, comme là où, sans accès à une protection adéquate, des problèmes relativement bénins finissent par se transformer en problèmes plus graves.
Habituellement, lorsqu’un ou une ministre de la Couronne ne tient pas à rencontrer un groupe à sa porte, il ou elle envoie son personnel dire qu’il ou elle est absent(e). Ça fonctionne habituellement bien pour réduire le nombre de demandes de rencontres en face à face.
Au lieu de ça, Matthews a envoyé quelqu’un dire aux manifestants qu’elles les rencontreraient « peut-être ».
Après environ 10 minutes, une délégation de quatre personnes ont été invitées à rencontrer le personnel de Matthews, mais les médias n’ont pas été autorisés à entrer dans l’édifice. À l’extérieur, les manifestants se sont faits dire que Matthews ne serait pas disponible.
Leur persistance a toutefois porté fruits – la délégation à l’intérieur a finalement pu rencontrer la ministre, qui s’est montrée compatissante, mais n’a pris aucun engagement en ce qui concerne l’éventuelle participation de la province. Elle a promis d’examiner la façon dont les autres provinces ont agi à cet égard.
Les organisateurs à l’extérieur voulaient savoir pourquoi Matthews et son personnel avaient si peur de sortir et de parler à l’ensemble des manifestants. La foule, qui comptait un grand nombre des futurs médecins et infirmières de l’Ontario, n’était pas en colère et manifestait paisiblement. En plus de ça, environ chaque cinq manifestants étaient surveillés par un agent de la police provinciale qui semblait vraiment s’ennuyer.
Tandis que la délégation sortait de l’édifice, les organisateurs ont lu à haute voix les cas où des réfugiés s’étaient récemment vu refuser l’accès aux soins de santé dont ils avaient besoin. Refuser des soins à des personnes dont la santé peut être en danger ternit définitivement l’image du Canada.
Dans le cadre d’entrevues avec Ritika Goel, de l’organisme Health4All, les médias ont évidemment abordé la question des coûts. Goel a dit que les coûts n’avaient rien à voir avec ça et que c’était une question de droits humains. Elle a dit que Kenney estimait les économies nettes pour le gouvernement fédéral à quelque 20 millions de dollars par année, un chiffre que même les médias ont considéré maigre en comparaison à ce qui est dépensé à l’échelle nationale.
Le Canada dépense environ 200 milliards de dollars en soins de santé chaque année (publics et privés). Il est évident que le gouvernement Harper estime que la vie d’un groupe de réfugiés ne vaut pas ce qui finit par correspondre à environ cinq sous par mois pour le Canadien moyen.
Le fait que personne n’ait estimé important de sortir pour s’adresser au groupe est honteux. Laisser ces manifestants attendre par ce froid extrême était presque aussi insensible que… refuser à des réfugiés sans un sou qui fuient des situations souvent horribles l’accès aux soins de santé dont ils ont besoin pour leurs familles.
Ne se laissant pas abattre, les manifestants ont promis qu’ils reviendraient.