Les soins de santé ont toujours vécu une relation paradoxale d’amour-haine avec la technologie.
Les nouvelles technologies ont certainement contribué tant à augmenter qu’à réduire les coûts.
Il existe de nombreux ouvrages sur l’usage excessif inutile des nouvelles technologies dispendieuses, et, comme l’a démontré la récente épreuve de force des médecins ontariens, ces technologies permettent en même temps de réaliser des économies lorsque les procédures prennent moins de temps et de ressources.
Les nouvelles technologies peuvent-elles simplement remplacer les médecins?
Le Dr Martin Kohn, de IBM, dit que non, même si en examinant les applications de la santé que réserve la compagnie à Watson, parfois qualifié d’ordinateur à intelligence artificielle d’IBM, il n’est pas difficile de l’imaginer faire partie intégrante du processus de diagnostic de n’importe quel médecin.
Watson est l’ordinateur qu’IBM a utilisé pour battre deux champions dans le cadre d’un tournoi de trois jours de l’émission-jeu Jeopardy. Il s’appuie sur un moteur de traitement du langage naturel qui peut établir une distinction entre une expression et la signification traditionnelle d’un mot. Ou, dans le cas de Jeopardy, comprendre les règles du jeu et interpréter une question à partir d’une série de réponses. Ce n’est pas un moteur de recherche, mais il peut passer au travers de 200 millions de pages d’articles sur la santé en quelques secondes et fournir une liste ordonnée de probabilités de diagnostics à partir de la liste de symptômes qu’on lui donne. Il sait aussi ce qu’il ne sait pas, et peut inviter un médecin à faire davantage de recherches. Watson évalue aussi continuellement la fiabilité de ses sources.
Watson peut aussi s’infiltrer dans un dossier de CyberSanté et prioriser l’information qu’il contient dans le cadre du processus. Tandis que les dossiers de santé électroniques sont présentés comme une panacée pour les médecins, ils posent les mêmes problèmes qu’un dossier qui déborde de documents — nombreux contiennent trop d’information pour vraiment trouver ce qu’on cherche.
Kohn, directeur associé, Analyse des soins de santé, chez IBM Research, s’est adressé à une salle pleine d’administrateurs des soins de santé le 26 juin dernier dans le cadre de la série Breakfast With The Chiefs de Longwood.
Kohn a fait remarquer que nous sommes submergés d’information, soulignant que les médecins passent en moyenne moins de cinq heures par mois à lire leurs revues médicales.
Selon le Harvard Business Review, environ 15 pour cent des diagnostics posés par les médecins sont incorrects. Ce chiffre est probablement modeste. L’Association canadienne des radiologistes a suggéré que jusqu’à 30 pour cent des procédures d’imagerie diagnostique prescrites par les médecins sont inutiles. Dans sa présentation PowerPoint, Kohn suggère qu’environ 1 diagnostic sur 5 est incorrect.
Il serait intéressant de savoir si Watson pourrait améliorer ce pourcentage? Est-ce qu’un meilleur diagnostic permettrait d’utiliser les ressources plus efficacement, comme le suggèrent les radiologistes? Il est difficile de ne pas s’intéresser à son potentiel et de ne pas commencer à évaluer son impact possible sur le financement des soins de santé et leur utilisation.
Dans le cadre de son premier stage aux urgences d’un hôpital, Kohn nous dit qu’il arrivait que des infirmières qualifiées lui suggèrent discrètement un diagnostic à l’oreille lorsqu’il n’arrivait pas à en poser un lui-même. Il dit que Watson remplacera ces infirmières, mais pas les médecins.
Une question de l’assemblée a soulevé la possibilité que les médecins s’en remettent à l’avis de Watson, se servant davantage de cet outil comme d’une béquille. Et qu’adviendrait-il des questions de responsabilité si Watson prenait les décisions à la place du médecin?
Kohn a admis que Watson n’était qu’aussi bon que l’information qu’il traitait. On ne s’attend pas à ce qu’il prenne des décisions, et c’est une des raisons pour lesquelles IBM n’aime pas utiliser le terme « intelligence artificielle » pour décrire Watson. Toutefois, Kohn admet que Watson apprend en permanence.
Et Watson est capable de faire des erreurs. Au cours du tournoi de trois jours de l’émission-jeu Jeopardy, Watson a identifié Toronto comme étant une ville américaine.
Les patients préféreront-ils le diagnostic de Watson plutôt que celui de leur médecin si ceux-ci sont différents?
Ken Jennings, champion universel de l’émission-jeu Jeopardy, a dit au Washington Post que l’audience dans le cadre du tournoi de trois jours contre la machine était composée de membres du personnel d’IBM, des programmateurs, des dirigeants, etc. Tous des actionnaires! », a-t-il dit. « Ils voulaient voir couler du sang humain. L’ambiance ressemblait à celle d’un combat de gladiateurs. L’estrade portait un immense logo Watson. C’était définitivement un jeu d’adieu à l’humanité. »
Ce qui, il y a peu, relevait de la science fiction risque bel et bien de devenir réalité commerciale d’ici à deux ans alors qu’IBM se prépare au lancement de Watson.
Contrairement à Jeopardy, les questions qu’il soulève ne font que commencer.