Retour au Wisconsin : Sommes-nous menacés nous aussi?

Imaginez une convention collective d’une page. Avec un seul article, celui du salaire.
Et même encore là, votre équipe de négociation n’aurait pas le droit de négocier un prix au-delà du taux de l’inflation, qu’importe où votre salaire se situe par rapport aux autres. Seul un référendum public permettrait d’approuver une plus grosse augmentation.

La procédure de règlement des griefs aurait disparu. Les questions liées aux vacances, avantages sociaux et pensions seraient toutes décidées unilatéralement par l’employeur, tout comme d’ailleurs les conditions de mise en disponibilité. Dans l’ensemble, on ne parlerait plus de négociation collective, mais de mendicité collective.

C’est la situation à laquelle font face les travailleurs du secteur public au Wisconsin, tandis qu’on prévoit un vote de révocation du gouverneur Scott Walker, en juin prochain, pour faire suite aux manifestations massives de l’an dernier. Des dizaines de milliers de personnes ont quitté leur emploi, fuyant un des quelques États qui continuent de connaître une croissance de travail négative.

Selon Paul Secunda, un professeur de droit du travail à l’Université Marquette, au Milwaukee, même si la révocation prend effet, avec les manipulations des Républicains qui contrôlent en grande partie la chambre d’assemblée d’État, il est peu probable que la loi anti-syndicale 10 soit renversée.

Secunda a récemment été invité à prendre la parole au Centre des relations patronales-syndicales de l’Université Ryerson.

Ces nouvelles dispositions ne concernent pas tous les travailleurs publics du Wisconsin – les pompiers, la police et les auxiliaires médicaux en sont exemptés. Tous étaient considérés comme des partisans de Walker; toutefois, ils se sont joints à leurs collègues de la fonction publique pour protester contre cette législation anti-syndicale.

Un jugement a récemment renversé des dispositions qui auraient éliminé la retenue de cotisations syndicales et obligé les syndicats à renouveler leur représentation chaque année – deux conditions qui n’avaient absolument rien à voir avec les finances de l’État, le motif invoqué par Walker pour sa législation. Secunda estime que ces articles pourraient à nouveau être perdus dans la procédure d’appel vu l’influence des Républicains dans les tribunaux fédéraux.

Il est évident que Walker cherchait à rendre la syndicalisation impossible dans son État. Si le renouvellement de la représentation est rendu nécessaire, les syndicats devront obtenir la voix de 50 pour cent plus un de tous les membres – pas seulement des membres votants – pour continuer.

Paul Secunda, Université Marquette

Secunda a déclaré qu’alors que le Wisconsin est au centre de la discussion, des législations anti-syndicales similaires émergent également dans les États de la Floride et du Ohio. La similarité ne tient pas du hasard. Il existe une organisation aux États-Unis du nom d’ALEC (American Legislative Exchange Council) qui fait l’ébauche de lois droitistes que les États sont invités à adopter.

« Mais comme le film de Monty Python le dit… nous ne sommes pas encore tout à fait morts », a ajouté Secunda. Les avocats progressistes répliquent avec ALICE, une organisation qui fait l’ébauche de lois progressistes.

Secunda dit que dans le cadre de cette attaque, en dépit d’une tâche quasi impossible, le mouvement ouvrier avait bien collaboré. En plus de remplir les rues et d’occuper la législature de Madison, au Wisconsin, les travailleurs ont mis sur pied une variété de stratégies, y compris celle de travailler avec des sénateurs démocrates pour qu’ils quittent l’État afin que le gouverneur Walker ne puisse obtenir le quorum nécessaire, et celle de contester la loi 10.

Au Ohio, une législation similaire a été déclarée inconstitutionnelle dans le cadre d’un référendum d’État.

Jusqu’où peut-on aller comme ça? Secunda a parlé d’une classe croissante de travailleurs précaires qui sont continuellement poussés à bout.

« Pendant combien de temps peut-on prendre des coups quand on git déjà à terre? », a-t-il demandé, s’interrogeant sur les limites d’un système politique polarisé dans lequel le centre modéré disparaît rapidement.

Secunda nous demande si nous savons qui Scott Walker avait contacté avant d’introduire sa loi. Et la réponse est la suivante : La garde nationale. Walker savait que sa « bombe » aurait pour résultat une grève générale, quelque chose que Secunda lui-même avait préconisé.

Mais pas une seule personne n’a été arrêtée.

Ainsi, qu’est-ce que Walker a gagné?

L’État est toujours en déficit, un déficit qui est largement dicté par les réductions de l’impôt sur le revenu des sociétés, mises en vigueur en même temps que sa loi anti-syndicale.

Le Wisconsin est l’un des cinq états qui a enregistré une croissance négative au chapitre de l’emploi l’an dernier.

Secunda a parlé d’une « course effrénée vers les sorties » — entre 15 000 et 20 000 personnes ont quitté leur emploi du secteur public au Wisconsin. À la bibliothèque de la faculté de droit de l’université, près de la moitié de tout le personnel est parti en même temps.

La perte d’un mécanisme de règlement des différends rationnel dans les conventions collectives s’est traduit par un environnement de travail chaotique. Sans syndicats, il est plus difficile de réglementer la désobéissance civile, a-t-il encore ajouté.

Il a exprimé combien il était déçu du Président Obama, qui, malgré les 100 000 personnes descendues dans les rues dans cette période de bouleversement, n’est pas venu une seule fois au Wisconsin. Il a pointé une pancarte du doigt, qui disait « Obama, nous aurions bien besoin d’un peu de votre aide ici ».

La même chose pourrait-elle se produire ici en Ontario?

Secunda a demandé à d’autres personnes de répondre, mais a indiqué que l’environnement de travail était très différent au Canada. Nous avons aussi la Charte des droits et libertés, qui a fêté ses trente ans le 17 avril. Le Canada est aussi signataire de conventions internationales, y compris d’une convention pour respecter le droit à la négociation collective.

Malgré cela, on ne peut ignorer les similarités de la situation, y compris les attaques ici sur le secteur public et les efforts visant à réduire les salaires des travailleurs du secteur public. Comme le Wisconsin, l’Ontario demeure profondément attaché au concept des réductions de l’impôt sur le revenu des sociétés, malgré les preuves flagrantes qu’une telle mesure ne stimule pas l’activité économique.

À l’instar des États-Unis, le Canada a également vu un déclin des syndicats du secteur privé, laissant un déséquilibre important entre les secteurs privé et public.

 

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