L’épicerie où vous faites vos courses, le journal auquel vous êtes abonné ou la banque où vous faites vos transactions contribuent peut-être à financer l’assaut sur les soins de santé publics au Canada.
À travers le Canada, la croissance explosive de laboratoires d’idées de droite a été soutenue par certaines de nos plus grandes sociétés pour promouvoir leurs propres intérêts privés. Il est à se demander si ces groupes sont des instituts de recherche légitimes ou des lobbyistes du monde des affaires.
Tandis que les médias continuent de révérer les rapports de ces organisations, ils demandent rarement qui les finance.
L’ironie de la situation ne nous a pas échappé, et plus particulièrement si l’on tient compte de la campagne de l’Institut économique de Montréal visant à forcer les syndicats à rendre leurs livres publics alors qu’il refuse lui-même de dévoiler le nom de ses bailleurs de fonds.
Avec une des pires excuses qu’on puisse avoir, l’IEDM affirme sur son site Web que la publication d’une telle liste inciterait d’autres organisations similaires à l’IEDM à solliciter des fonds directement de ses donateurs, ce qui serait loin d’être souhaitable.
La plupart de ces laboratoires d’idées reçoivent des fonds des mêmes fondations de droite, comme la Donner Foundation, aux États-Unis, qui a donné à l’IEDM près de 40 000 $ en 2010. La Donner Foundation a également donné des sommes importantes à l’Atlantic Institute for Market Studies, à l’Institut MacDonald-Laurier, à l’Institut Fraser, au Centre Frontier et à l’Institut C.D. Howe la même année. L’IEDM admet recevoir plus de la moitié de son financement de telles fondations anonymes, et un autre 42 pour cent du monde des affaires.
Les rapports qui émanent de ces institutions d’extrême droite sont fréquemment mis en vedette dans les médias de la chaîne Sun Media.
Pierre Karl Peladeau, PDG de Quebecor, qui possède la chaîne Sun, est actuellement membre du conseil de l’Institut Fraser. Devrions-nous alors nous étonner de recevoir une couverture aussi biaisée de ses entités multimédias? En 2011, le Toronto Sun s’est retiré du Conseil de presse de l’Ontario, après s’être plaint des valeurs « politiquement correctes » du chien de garde des médias.
Dans le Toronto Sun, l’IEDM a récemment loué les vertus de la transition en Allemagne vers un plus grand nombre d’hôpitaux privés à but lucratif, laissant entendre que le Canada devrait suivre l’exemple.
Comme la plupart des laboratoires d’idées de droite, l’IEDM essaie de détourner notre attention des échecs de la privatisation des soins de santé ici et au sud de nos frontières. Il est inutile d’aller aussi loin qu’en Allemagne pour s’apercevoir que les mécanismes de marché ne fonctionnent pas dans le secteur de la santé.
L’Institut Fraser et le C.D. Howe ont également recommandé de supprimer la Loi canadienne sur la santé. Cette loi garantit le droit de tous les Canadiens d’être couverts pour les soins considérés médicalement nécessaires.
La Fondation Garfield Weston finance des organisations de défense de la droite au Canada et au Royaume-Uni et est considérée être l’organisation caritative la plus importante au monde.
La Fondation Weston – établie par la famille fondatrice derrière Loblaws – est un des principaux donateurs de l’Institut Fraser, une des cinq grosses organisations droitistes qui défendent sans arrêt les soins de santé privés, la réduction des services publics et la réduction des impôts des sociétés et des riches. De concert avec la Fondation Donner, ils appuient également l’Institut MacDonald-Laurier.
On dit que la Fondation Weston verse environ 2 millions de dollars par année à l’Institut Fraser pour soutenir son programme de bourses d’études. Au Royaume-Uni, la Fondation Weston finance le Centre for Policy Studies, un laboratoire d’idées droitiste très proche du parti conservateur britannique.
L’Institut C.D. Howe n’a pas aussi peur de dévoiler qui sont ses bailleurs de fonds, sauf que nous n’avons aucune idée du montant que chaque fondation/société donne. Le conseil de l’Institut C.D. Howe est presque entièrement composé de cadres d’entreprise supérieurs et présidents de conseil. Pourtant, combien de fois vous arrive-t-il d’entendre parler d’un Institut C.D. Howe dirigé par les entreprises, même si de nombreux journaux n’hésitent pas à ajouter l’étiquette « penchant à gauche » dans leurs mentions occasionnelles du Centre canadien de politiques alternatives.
Oh, et Don Drummond, notre récent Commissaire à la réforme des services publics, est associé à au moins deux de ces organisations. Drummond rédige des articles pour l’Institut C.D. Howe. Il est aussi membre du conseil consultatif de l’Institut MacDonald-Laurier.
Ce problème n’est pas unique au Canada.
George Monbiot, dans un article paru dans le UK Guardian, l’a bien dit, « les groupes qui se disent laboratoires d’idées libéraux ne sont rien de tel. Ce sont en fait des agences de relations publiques, qui font secrètement pression pour les grandes sociétés et les multimillionaires qui les financent. S’ils souhaitent réfuter cette affirmation, ils n’ont qu’à dévoiler leurs sources de financement. En attendant, chaque fois qu’on entend le terme laboratoire d’idées ou groupe de réflexion libéral, songez à un groupe qui détruit la démocratie et qui est dirigé par les grandes entreprises ».